Chers amis,
C'est vrai que devant Dieu et dans la vie tout court, il y a un temps pour tout, c'est ce
que dit l'auteur du livre de l'Ecclésiaste un temps pour aimer, un temps pour haïr un temps
pour acquiescer et se réjouir, un temps pour se révolter ; un temps pour construire et un
temps pour casser et démolir.
Tous nous l'avons mesuré dans notre cheminement personnel, dans notre vie
conjugale comme dans la vie communautaire au sein de nos Eglises et entre nos Eglises.
C'est vrai que cette tension entre le plus et le moins, l'acceptation et le refus ne quittera
jamais notre horizon personnel et notre itinéraire communautaire. On peut même dire du
chrétien qu'il ne sera jamais un homme tiède et du juste milieu et qu'aux yeux de Dieu la
grandeur d'un homme se mesure à sa capacité d'aimer et à sa force de protester, toujours et
sans cesse les deux à la fois.
Remarquez avec moi que le Christ lui-même nous montre l'exemple sur cette voie :
l'amour et la protestation sont toujours en tension.
Si Jésus se coule dans le moule de la religion juive, c'est bien pour être proche de son
peuple et le rejoindre dans sa quête concrète de l'amour de Dieu.
Mais en même temps, il bouscule et déstabilise.
Il chasse les vendeurs du Temple, ces auxiliaires indispensables de la religion des
sacrifices et indique une voie nouvelle par rapport aux tenants de la religion établie.
Il y a de sa part tout à la fois proximité et impertinence rituelle, geste fou pour
déstabiliser l'institution du Temple et proposer à tous un nouveau Temple, celui de sa
personne comme nouveau lieu de rassemblement. Ce qui est proprement de l'ordre du
blasphème !
De tous temps nos institutions, religieuses ou pas, se sont comprises comme garantes
de la continuité, prudentes pour la sauvegarde de la tradition, au nom du droit et de la
discipline, et c'est vrai qu'il faut des barrières et que dans la vie on ne peu t pas faire
n'importe quoi.
Mais quand tout est codifié, quand la vie se résume à devoir suivre le permis et le
défendu... alors, il y faut la force de Dieu, la malice de Dieu et l'impertinence de Jésus pour
restaurer l'élan de la foi. Cela peut aller jusqu'à enfreindre les règles établies, les codes et les
disciplines parce que tout simplement le Christ entend faire retrouver la voie de Dieu pour
son peuple, pour un peuple nouveau remis debout contre toutes les scléroses et les
enfermements toujours possibles.
L'apôtre Paul ne dit pas autre chose à ses amis chrétiens d'Ephèse, trente ans après la
mort de Jésus, la parole du Ressuscité continue de retentir contre toutes les convenances et
divisions inventées par les hommes.
Tous sont également placés sous le même amour de Dieu et bénéficiaires du même
élan d'amour. Tous sans exception, les bien intégrés de la religion juive, les circoncis comme
les incirconcis, c'est-à-dire les nouveaux convertis venant du monde grec. En Christ, les
distances ou divisions sont abolies et l'essentiel est bien de comprendre au temps de Paul
comme aujourd'hui.
Tous également aimés de Dieu par le sang du Christ, par l'effet de sa grâce et de son
sacrifice et que Lui, pierre d'angle de notre foi, de son Eglise, nous rend tous membres de la
même famille.
Alors nous aujourd'hui foyers mixtes, nous ne pouvons nous complaire à critiquer
simplement nos institutions... ; il le faut pourtant quand l'Eglise devient par trop suffisante et
fait écran à la surprise divine..., bonne nouvelle pour tous. Nous ne pouvons pas non plus, à
côté de ce rôle casseur, nous imaginer comme seuls bâtisseurs, car nous aussi nous avons
nos propres scléroses, insuffisances et enfermements.
Mais avec d'autres, et en conjuguant deux choses, amour et révolte d'une part,
engagement et critique d'autre part, nous pouvons en toutes circonstances de la vie être
éveilleurs de la race de Dieu pour tous, témoins des surprises de Dieu dans l'Eglise comme
dans toute l'humanité.
Il ne s'agit ni de casser, ni de construire, mais d'éveiller à la grâce, de promouvoir la
diversité réconciliée, de se laisser guider par l'Eglise de Dieu et d'accepter d'être édifiés
ensemble par lui. Ensemble : nous tous, mais aussi toute l'Eglise, toutes les Eglises et toute
l'humanité devant Dieu.