Eglise de Maison
du Père Bruno CHENU "La Croix" samedi 4, dimanche 5 septembre 1999. L''Eglise en sa plus simple Expression, La méditation Dans ce chapitre 18 de l''Évangile de Matthieu, si important pour toute vie ecclésiale parce qu''il oblige à mettre au centre l''attitude du petit et la pratique de la correction fraternelle, nous ne nous arrêterons qu''au seul verset qui constitue la finale de la lecture de ce jour : " Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d''eux " (v. 20). Cette forte affirmation a nourri des générations de chrétiens et il vaut la peine d''en recueillir les multiples harmoniques.
La réaction la plus immédiate est sans doute la suivante : quelle exaltation de la petite communauté ! Le Christ promet sa présence aux " deux ou trois réunis en son nom ". Certes, cette présence est assurée à l''ensemble des disciples dans l''envoi en mission du Ressuscité (28, 20) mais elle se donne déjà dans la démarche de foi du plus petit nombre. Il n''est pas dit qu''il faille un ministre, une structure, des sacrements... C''est par le fil de la parole échangée et de la prière partagée que se tisse la plus simple expression locale de l''Eglise. Au moment où les prêtres se font plus rares, cette parole de Jésus conforte tous ceux qui veulent faire exister l''Eglise par de petites communautés de croyants. Au cas où nous n''aurions pas bien saisi la consigne évangélique, un homme comme Tertullien, au début du Ille siècle, valorise la place des laïcs dans l''Eglise, à partir de ce même texte : " Là où sont trois, il y a l''Eglise, même si ce sont des laïcs. " Car ces laïcs ont part au sacerdoce du Peuple de Dieu. Ils peuvent donc exprimer leur foi et mettre en œuvre leur charité sans tout attendre de " l''ordre ecclésiastique ".
Mais remarquons que ce dernier s''est aussi pensé à partir de cette parole évangélique puisque Léon le Grand fonde là l''autorité des conciles : " Si le Christ est avec deux ou trois, à plus forte raison avec l''ensemble des évêques. " Calvin utilise le même verset pour sa théologie des conciles, tout en précisant que le message vaut. À plus petite échelle. Mais deux autres relectures historiques peuvent encore enrichir considérablement notre réflexion. D''abord celle qui voit dans le " deux ou trois " l''évocation de la famille, promue au rang d''" Église domestique ".
Au temps de Tertullien mais en Orient, Clément d''Alexandrie s''était demandé : " Qui sont les deux ou trois personnes, rassemblées au nom du Christ, au milieu desquelles se tient le Seigneur ? Les trois ne sont-ils pas l''homme, la femme et l''enfant ? " Vatican Il a remis à l''honneur cette réalisation familiale de l''Église et les communautés d''Afrique réfléchissent beaucoup sur le thème de l''Église-famille de Dieu. Récemment, lors du Rassemblement mondial des couples interconfessionnels à Genève (juillet 1998), le pasteur Konrad Raiser a pu dire qu''" un foyer mixte anticipe l''unité de l''Église sous la forme d''une " Eglise de maison ". Et l''évocation de ce contexte nous ouvre à la dernière actualisation possible du texte : la signification œcuménique. Les deux ou trois dont il est question peuvent être des Chrétiens de différentes confessions.
Le décret sur l''œcuménisme de Vatican II en son numéro huit encourage la prière œcuménique sur la base de ce verset. Et si le Christ est là, l''Église ne peut être loin. La présence du Christ suscite de la communion là où nous avons introduit de la division. C''est pourquoi-elle nous engage tout aussi bien à la responsabilité mutuelle (v. 15-18) qu''au pardon sans cesse offert (v. 21-22).
Bruno CHENU
La Croix samedi 4, dimanche 5 septembre 1999.